Minvoul, Haut-Ntem — 2024
Les habitants de Minvoul, dans le département du Haut-Ntem, ont franchi une étape symbolique et tragique : plus de 50 ans sans accès régulier à l'eau potable. Ce chiffre dépasse celui des 40 années passées par Moïse et son peuple dans le désert, faisant paraître la traversée biblique comme une épreuve mineure en comparaison à ce que vivent les fils d’Israël de Minvoul.
Ce qui aurait pu être une simple crise temporaire s'est transformé en une véritable traversée du désert. Depuis des décennies, les Minvoulois subissent les affres de la SEEG, l’entreprise gabonaise en charge de l’eau et de l’électricité, qui semble avoir abandonné cette région. À la place de l’eau, la population n’a souvent droit qu’à des factures mensuelles, des coupures d’électricité, et, lorsqu’ils ont de la chance, à un filet d'eau rouillé.
L’ironie est cruelle : alors que l’eau est communément appelée source de vie, elle se fait ici si rare que la survie devient un défi quotidien. « Il y a des jours où l'eau ne coule même pas, et quand elle le fait, c’est de la rouille », se lamente un habitant de Minvoul. Pourtant, les
factures, elles, ne manquent jamais d'arriver à temps. Ne pas payer entraîne non seulement la coupure de ce maigre filet, mais aussi celle de l’électricité. Une double peine qui ne laisse aucun répit à la population.
Si l’eau fait cruellement défaut, les Minvoulois se consolent tant bien que mal avec un accès relativement stable à l’électricité. Mais comme le dit un proverbe local, « mi gue mène kar wu anone da toupe oquè » — "si les pierres lancées dans la forêt ne tuent pas les oiseaux, elles perforent au moins les feuilles." Autrement dit, ils ne peuvent qu'accepter ce petit confort comme un moindre mal face à l’insoutenable pénurie d’eau potable.
Ce qui se joue à Minvoul, c'est un drame qui perdure depuis des décennies, rappelant tragiquement que l'accès à l'eau, un droit humain fondamental, reste un privilège inégalement distribué. Malgré l’entrée dans une nouvelle ère, annoncée avec tambours et trompettes par les autorités, les Minvoulois continuent d’attendre les résultats concrets de cette "modernité" promise.
Chaque goutte d'eau qui parvient à leur robinet est un petit miracle. Chaque coupure est une plongée plus profonde dans le désespoir. L'attente, elle, est interminable. Et pendant ce temps, les records de calvaire sont battus, sans fanfare ni victoire à célébrer.
Ajouter un commentaire
Commentaires